Ce poème a été lauréat du concours Lire en fête
en 2000.
Des Femmes... un Siècle...
A l’heure paisible où les âmes somnolent,
Mon esprit s’égare sur des pensés frivoles
Et mes yeux s’abandonnent à l’obscurité ;
Monde impalpable où règnent insoupçonnées,
Des ombres inquiétantes, maîtresses de cette obscure clarté.
Soudain une vision, que dis-je ! un rêve pénétrant s’impose à ma vue :
Le jardin de la création m’apparaît alors étrange et confus.
Ève s‘approche de moi et m’invite à l’accompagner.
A l’entrée d’une grotte, elle s’arrête et de sa voix suave susurre :
« Va tel Thésée,
Suis le fil d’Ariane, et à travers ces dédales peuplés
De rencontres troublantes découvre le message qui t’est destiné ».
Je m’avance lentement me laissant dévorer progressivement
Par cette bouche ouverte sur le néant.
Ma main agrippe le fil, et tandis que mes pieds foulent un sol
Jonché de papiers, une petite voix s’élève au milieu de la nuit :
« - N’aie crainte, je suis ton guide, ta boussole, Ramasse ce journal afin qu’aux mots je puisse donner vie ».
Subitement, les pages entament une danse effrénée,
Et dans un tourbillon, une sylphide paraît.
« - Je suis, me dit-elle, une des plus victorieuses répliques
Qu’une fille d’Ève ait infligée à l’éthique,
Assénant un grand coup à l’orgueil des hommes.
Et moi, dit une autre voix par-dessus mon épaule, je suis à l’atome
Ce que Selma Lagerlöf est à la littérature,
Une des femmes marquantes de l’histoire de la chimie.
Celle que l’on nomme Marie Curie ».
Tous mes sens en déroute,
Je poursuis néanmoins ma route.
Brusquement, une porte se dresse devant moi ;
« - Ouvre-la, ouvre-la », murmure la petite voix.
Derrière, une jeune femme m’attend, son visage ne m’est pas inconnu.
« - Plus inconnu que le soldat inconnu :
Sa femme » annonce-t-elle comme devinant mes pensées.
Un homme sort de l’ombre, je reconnais le président Wilson : « - Enchanté
Mademoiselle, apprenez cependant que sans les femmes, la guerre n’aurait pu être gagnée ».
Tous deux se fondent dans l’invisible ; un autre homme surgit tel un mirage.
« - Honore les résistantes, ces Marie de France aux cent visages,
Aux hommes l’héroïsme et le désir de vengeance,
A elles la peur des bombes, la faim, le viol et la violence.
Parole d’Aragon, Lucie Aubrac tu brûles encore nos consciences ».
L’homme s’éteint tandis qu‘au loin retentissent les clameurs d’une foule ;
Des milliers de femmes défilent, je me laisse emporter par la houle.
Une d’entre elles harangue d’autres militantes : « - Levons-nous femmes esclaves,
Rejoignons le MLF et brisons nos entraves ».
D’autres hurlent des slogans vindicatifs : « - Droit à la contraception !
Droit de vote ! Droit d’exercer toutes les professions !
Etouffée, humiliée, abrutie par les infimes préoccupations de la vie domestique,
La femme désire se libérer de ce joug diabolique.
Lasse d’être souillée par la folie des hommes,
La femme refuse enfin l’avilissement du gentilhomme ».
Puis, en silence, ces femmes regagnent à leur tour l’Insondable,
Je pousse encore une porte, m’attendant à quelque spectacle impalpable,
Mais au lieu de cela, je m’éveille ;
Ma mère à mes côtés veille.
« - Alors, as-tu trouvé ce que tu vas dire sur ce vingtième siècle ? » me demande-t-elle,
- Les voix du sommeil sont impénétrables et si belles,
Ce vingtième siècle a été femme ; alors que l’égalité des sexes n’était qu’utopie,
Des femmes se sont engagées pour donner à leurs rêves souffle et vie.
C’est à ce siècle que les femmes doivent d’être ce qu’elles sont ».
Je la regarde, un sourire illumine son visage ; j’ouvre ma main un fil de nylon…